"Le Nouveau Nom" d'Elena Ferrante (Editions Gallimard): una storia (férocement et magnifiquement) importante

Alors que dire d'un roman que j'ai dévoré au point de ne l'abandonner uniquement pour manger et dormir. Que dire d'un roman dont les personnages sont venus s'immiscer dans mes rêves comme s'ils appartenaient à ma réalité.
Pour la première fois, j'ai peur de ne pas avoir les mots assez justes pour vous décrire l'essence de ce roman. Le premier tome de la trilogie , "L'Amie Prodigieuse" m'avait touché. Là, c'est au-delà!

Pitch (4ème de couv): "Naples, années soixante. Le soir de son mariage, Lila comprend que son mari Stefano l'a trahie en s'associant aux frères Solara, les camorristes qui règnent sur le quartier et qu'elle déteste depuis son plus jeune âge. Pour Lila Cerullo, née pauvre et devenue riche en épousant l'épicier, c'est le début d'une période trouble: elle méprise son époux, refuse qu'il la touche, mais est obligée de céder. Elle travaille désormais dans la nouvelle boutique de sa belle famille, tandis que Stefano inaugure un magasin de chaussures de la marque Cerullo en partenariat avec les Solara. De son côté, Elena Greco, la narratrice, poursuit ses études au lycée et est éperdument amoureuse de Nino Sarratore, qu'elle connait depuis l'enfance et qui fréquente à présent l'université. Quand l'été arrive, les deux amies partent pour Ischia avec la mère et la belle-sœur de Lila, car l'air de la mer doit l'aider à prendre des forces afin de donner un fils à Stefano. La famille Sarratore est également en vacances à Ischia et bientôt Lila et Elena revoient Nino"






Dans ce deuxième roman, Lila et Lena sont devenues de jeunes femmes. Nous reprenons l'histoire là où elle avait été arrêtée: pendant le mariage de Lila, alors que Stefano vient de la trahir en donnant les chaussures qu'elle avait crée à son pire ennemi, Marcello Solara. Aussitôt mariée, aussitôt trompée et alors débute une difficile et brutale descente aux enfers pour Lila. Elle qui se croyait protégée de la pauvreté, s'éloignant du quartier de son enfance pour s'installer dans le nouveau quartier riche, se retrouve dans une violence encore plus dure, sous les coups de son mari. La douleur physique va se transformer en douleur psychologique dont elle n'arrive plus à s'extraire, et Lila consacre son énergie à se faire détester encore plus par son mari et ses amis et à détruire sa propre image. La scène qui décrit la transformation de sa photo de mariage, qui est alors découpée, hachée par des bandes noires et grimée de peinture bleu et rouge, est une belle métaphore pour expliquer la violence qui habite son esprit et déchire son âme. Lena, elle, subit par ricochet ce que vit Lila. Mais elle-même renforce  la douleur de son amie, représentant, avec son érudition et ses connaissances, tout ce que Lila a raté dans sa vie.

Lila et Lena sont donc comme les deux faces d'une même pièce.... ou plutôt les deux parties d'un même tableau. 
Lila on l'imagine dans des teintes vives, tranchées. Son caractère passionné la conduit sur un fil duquel elle chute à plusieurs reprises (et dont elle se relève de moins en moins) en disant et faisant tout haut ce qu'elle pense tout bas, dans un quartier de Naples où on apprend aux femmes dès leur enfance, à se soumettre. Lila sombre alors dans un mélange de rouge et noir, devenant menaçante, sanglante, manipulatrice et tellement dure avec ceux qui l'entoure, même avec Lena dont elle se moque cruellement pour masquer le désespoir d'une vie et de sa condition qu'elle ne supporte plus. Mais elle peut, en amoureuse passionnée, se tourner vers des couleurs solaires et vers le bonheur, comme quelques taches multicolores éparses dans un avenir sombre.
Et puis Lena, c'est ce ciel pastel au dessus cette scène trop vive, trop crue. Lena, c'est la constance, la modération. Une femme qui bride ses sentiments ou s'éloigne pour se protéger et ne pas souffrir. Et, lorsque cela arrive malgré tout, inévitablement, elle fait tout pour cacher cette souffrance à Lila. Lena ne prend pas de décision, on les prend pour elle. Ainsi, soutenue par ses professeur, elle accède à une vie d'étudiante qu'elle n'aurait pu imaginer, issue de ce milieu très modeste de Naples.
Ces deux femmes fonctionnent comme des vases communicants: l'une souffre lorsque l'autre est au sommet. Pour Lila, tout se joue dans la douleur, même l'amour. Lena, plus passive, se laisse porter par les événements. Elles n'arrivent pas à être heureuses ensemble en même temps mais pourtant leur destin est lié et elles ne peuvent vivre l'une sans l'autre.

Un tableau qui unit donc violence et tendresse, rouge, noir, jaune et bleu clair..... Une cacophonie pour les yeux me direz-vous? Et pourtant non! Elena Ferrante décrit les sentiments de ces deux jeunes femmes avec une telle justesse que toutes ces couleurs se mêlent dans une oeuvre magnifique dont le lecteur ne ressortira pas indemne. L'immersion est totale et on oublie que Lila et Lena ne sont "que" des personnages de roman. Fermer ce livre m'a été douloureux, comme si j'abandonnais deux amies de longue dates à leur difficile sort.
Un roman d'une beauté féroce.
A bientôt Lila. A bientôt Lena. Vous me manquez déjà!

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