"Celle qui Fuit et celle qui Reste" d'Elena Ferrante (Editions Gallimard): cinquante nuances de gris

Ce troisième tome de cette sexalogie est celui de la maturité, subie par les deux héroïnes qui s'enferment dans des rôles d'épouse et de mères loin de leurs rêves d'enfance où elles se voyaient libres et telles deux âmes intelligentes et complémentaires prêtes à soulever des montagnes. Désormais elles portent le poids de leurs responsabilités. Fini la flamboyance et l'innocence des deux premiers volets. Le gris a envahi Lila et Elena... et ce n'est pas sans conséquence sur le lecteur!  

Pitch (4ème de couv):
"Après L'Amie Prodigieuse et Le Nouveau Nom, Celle qui fuit et celle qui reste est la suite de la formidable saga dans laquelle Elena Ferrante raconte cinquante ans d'histoire italienne et d'amitié entre ses deux héroïnes, Elena et Lila.
Pour Elena, comme pour l'Italie, une période de grands bouleversements s'ouvre. Nous sommes à la fin des années soixante, les événements de 1968 s'annoncent, les mouvement féministes et protestataires s'organisent, et Elena, diplômée de l'Ecole normale de Pise et entourée d'universitaires, est au premier rang. Même si les choix de Lila sont radicalement différents, les deux jeunes femmes sont toujours aussi proches, une relation faite d'amour et de haine, telles deux sœurs qui se ressembleraient trop. Et, une nouvelle fois, les circonstances vont les rapprocher, puis les éloigner, au cours de cette tumultueuse traversée des années soixante-dix.
Celle qui fuit et Celle qui reste n'a rien à envier à ses deux prédécesseurs. A la dimension historique et intime s'ajoute même un volet politique, puisque les dix années que couvre le roman sont cruciales pour l'Italie, un pays en transformation, en marche vers la modernité."




Celle qui fuit et Celle qui reste, c'est un jeu de vases communicants. Les vies de Lila et Elena restent liés, mais à distance. Lorsque l'Une s'épanouit, l'Autre galère dans sa vie de misère. Lorsque l'Une renonce à la vie de famille, l'Autre devient mère. L'Une part loin de Naples, l'Autre revient s'installer dans le quartier de leur enfance.  Mais qui est celle qui fuit, qui est celle qui reste?  
Il est question pour les deux femmes de s'éloigner ou de s'accrocher à des valeurs, de se départir ou de faire avec ce que la société italienne impose, de se débattre entre la vie imaginée et la vie réelle, d'accepter ou refuser que les amis d'hier deviennent les ennemis d'aujourd'hui. Les temps changent et Elena et Lila doivent choisir entre faire avec ou fuir.
Elena Ferrante enracine plus que jamais l'histoire des deux femmes dans la mutation qu'est en train de vivre l'Italie avec l’émergence de mouvements fascistes et féministes. Un contexte qui écrase les personnages et qui relègue au second plan leur interrelation, les éloignant l'une de l'autre.

Et là où Lilas et Elena avaient pu se montrer lumineuses, tranchantes, exaltées dans les précédents romans,  leurs émotions deviennent ici grises comme les murs des quartiers. 
Cela est encore plus flagrant sur le personnage de Lila, qui jusque là était un orage, une tempête à elle toute seule. Dans ce troisième roman elle ne reste qu'une menace,  l'expression de l'amour ou de la haine s'étant tassée. Le fond du personnage persiste, dans la façon dont Lila pique et blesse son amie... mais c'est comme si les précédentes épreuves de vie lui avait phagocyté une partie de son énergie. Elle renonce, et cède aux Solara, les ennemis de toujours. 
Elena, la plus sage et modérée perd de ses couleurs comme elle perd son inspiration pour l'écriture. La transition vers le gris se fait plus insidieusement mais du coup plus douloureusement car avec conscience. Mais elle, elle lutte encore pour tendre vers une nouvelle respiration dans sa vie (en fin de roman).

De loin, Celle qui fuit et Celle qui reste est, en attendant les suivants, le tome le plus pessimiste de cette saga et laisse la sensation d'avoir perdu l'essence des héroïnes en route. Une transition vers un nouvel élan? 
Elena Ferrante réserve sans aucun doute de nouvelles surprises à Lila et Elena. Elle chérit bien trop ses deux personnages pour les abandonner dans cette demi-mesure tellement inconfortable.





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