"Passé imparfait" de Julian Fellowes (Editions 10/18): génération désenchantée

Est-il encore nécessaire de présenter Julian Fellowes tant ses talents de scénariste et producteur ont fait et font toujours le tour du monde, avec succès. Notamment grâce à son regard acéré sur le temps des "Servant and Master", thème qu'il a développé dans Gosford Park et dans sa génialissime série (dont je suis absolument fan) Dontown Abbey.
Dans "Passé Imparfait",  il décrit, souvent avec cruauté,  les espoirs, le snobisme et l'aveuglement de la jeunesse aristocrate anglaise alors que celle-ci est en train d'amorcer son déclin. 


Pitch (4ème de couv): "Une invitation de Damian Baxter? Voilà qui est inattendu! Cela fait près de quarante ans qu'ils sont fâchés! Inséparables durant leurs études à Cambridge, leur indéfectible amitié s'est muée en une haine féroce, à la suite de mystérieux événements survenus lors de vacances au Portugal en 1970. Après de déconcertantes retrouvailles, la révélation tombe: riche, à l'article de la mort, Damian charge le narrateur, sur la foi d'une lettre anonyme, de retrouver parmi ses ex-conquêtes - six jeunes filles huppées qu'ils fréquentaient alors - la mère de son enfant. Un voyage vers le passé plein de fantômes et de stupéfiantes révélations..."







Le narrateur de l'histoire (dont on ignore tout de son nom) se voit forcé de replonger dans sa jeunesse par l'insistance de son meilleur ennemi mourant, Damian. Celui-ci, en quête de son enfant, lui remet une liste de mères potentielles, toute issues de l'aristocratie anglaise au sein de laquelle tous deux évoluaient étant jeunes. Le narrateur, parce qu'il en était issu. Et Damian parce qu'il avait usé de tout ce dont il était capable, charme et trahison, pour en faire partie.
L'auteur du roman décrit alors avec ironie et "acidité" les codes de l'époque et la nécessité pour tout ces enfants de riches familles de maintenir les illusions et les traditions alors que la noblesse est en train de s'effondrer et que le monde est en train de changer avec le vent de liberté insufflé par les sixties. 

J'ai mis beaucoup de temps à lire ce roman, parce que j'ai eu du mal à me mettre "à son rythme" ne serait-ce qu'à cause de la longueur des chapitres. Mais finalement, j'ai compris, un peu tard je l'avoue, qu'il s'agissait du rythme "attendu" pour une telle histoire. Puisqu'à chaque mère possible correspond l'histoire d'une femme, qui s'écrit sur plusieurs décennies. Julian Fellowes jongle alors avec virtuosité entre les époques. Et il n'est pas tendre, voire féroce avec ce que l'éducation dans un tel milieu a fait d'elles: des femmes malheureuses car elles ont sacrifié leurs rêves pour conserver titre et argent, ou malheureuses car elles ont tout perdu et surtout leurs illusions. C'est le choc pour l'enquêteur qui n'avait pas revu ses anciennes amies depuis des années. Et lui-même est alors obligé de faire face à ce qu'il est devenu et à réviser ses jugements sur les événements qui les ont conduits à s'ignorer, voire à se détester pendant de si longues années.

Une fresque acerbe, certes, et un contexte historico-social que j'ai eu plaisir à retrouver. Cependant, pour moi, "Passé Imparfait" n'est pas à la hauteur de la qualité des productions cinématographiques ou télévisuelles auxquelles Julian Fellowes nous a habitué.



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