"Les vivants au prix des morts" de René Fregni (Editions Folio): entre réalité et fiction

René Frégni est un écrivain qui croit en le pouvoir de l'écriture et du livre. Il y croit tellement qu'il anime depuis plusieurs années des ateliers d'écritures dans les prisons, notamment aux Baumettes. L'histoire de ce roman n'est donc pas un hasard. Elle est forcément née de cette expérience et de ses rencontres. De ces voyous qui peuvent être aussi séduisants que violents, de ces prisons qui sont pires que les pires des cités. 

Pitch (4ème de couv):
"Chaque midi, sur les quais du Vieux-Port, les poissonnières se mettent à crier: "Les vivants au prix des morts!" Et l'on se demande s'il s’agit des poissons ou de tous ces hommes abattus sur un trottoir, sous l'aveuglante lumière de Marseille...
René préfère à l'agitation de la ville la quiétude de l'arrière pays et la douceur d'Isabelle. Mais Kader, un détenu qu'il a rencontré lorsqu'il animait des ateliers d'écriture à la prison des Baumettes, s'est évadé. Kader, un encombrant revenant, belle gueule de voyou, braqueur multirécidiviste, spécialiste de l'évasion, traqué par toutes les polices, est en quête d'une planque."


Finalement, elle est assez troublante cette histoire. Car l'auteur y met beaucoup de lui. Et d'ailleurs y met tellement de lui qu'il en est le personnage central. C'est lui, René, écrivain, Marseillais d'origine mais Manosquin d'adoption, animateur d'ateliers dans les prisons. 
Alors à partir de quand plonge-t'on dans la fiction? Kader a-t'il existé réellement ou est-ce un mix de détenus rencontrés? La gueule d'un avec l’éloquence d'un autre? Les crimes d'un avec les fêlures d'un autre? 

J'ai eu l'impression de lire un roman composé comme un collage: de vraies photos de la vie de l'écrivain où viendraient s'intercaler des coupures de presses, des bribes de textes issus des ateliers d'écriture ou des images de meurtres découpées dans les unes des journaux.
Un roman puzzle où l'on se demande comment René Frégni a pu ressortir de cette écriture schizophrène. Probablement pas complètement indemne...


La violence de ce qu'il se fait vivre est contrecarrée par la douceur de l'écriture-poésie et par une grande part accordée à la contemplation de la nature, qui semblent être la marque de fabrique de Mr Frégni (qui m'avait déjà marquée et séduite dans Dernier arrêt avant l'automne.)
Une écriture atypique qui m'interpelle et m'intrigue suffisamment pour me donner envie d'y revenir, encore une fois.

(Pour info: chronique écrite en me mettant des œillères pour ne pas aller consulter les interviews de l'auteur concernant ce roman... et notamment son passage à La Grande Librairie. Maintenant qu'elle est bouclée, je vais pouvoir découvrir ce que l'auteur donne comme clés de lecture, comme contexte de cette écriture.)


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