"La panthère des neiges" de Sylvain Tesson (Editions Gallimard): la philosophie de l'affut

Quand un photographe animalier invite un écrivain voyageur dans sa quête d'une créature animale mythique voire mystique, cela donne pour sublime résultat ce récit poético-philosophique qui érige la contemplation comme principe de vie. Un fantastique hymne à la nature!

Pitch (4ème de couv):
"- Tesson! Je poursuis une bête depuis six ans, dit Munier. Elle se cache sur les plateaux du Tibet. J'y retourne cet hiver, je t'emmène.
- Qui est-ce?
- La panthère des neiges. Une ombre magique!
- Je pensais qu'elle avait disparu, dis-je.
- C'est ce qu'elle fait croire."




Sylvain Tesson est un magicien des mots.  Chaque phrase de ce roman est travaillée, ciselée pour provoquer la réflexion, l'admiration, l'apaisement ou le sourire... en bref, l'émotion. Aucun mot n'est laissé au hasard, des aphorismes au vocabulaire emprunté à la foi religieuse. Tantôt prière, tantôt sermon: une prière pour la nature qui s'éteint, un sermon contre l'Homme qui la piétine. 

Accompagnant Vincent Munier sur les hauts plateaux du Tibet, dans un milieu hostile fait de pierres et de froid, Sylvain Tesson, l'impatient, se prend au jeu de la quête de cette panthère fabuleuse. Une traque indolore et photographique qui nécessite l'apprentissage de l’affût: beaucoup de patience, de discrétion et d'humilité. Voir s'apprend et se travaille. Se savoir observé par les maîtres des lieux est une leçon. Une leçon notamment cristallisée par la photo faite par Munier d'un faucon crécerelle qui dévoilera seulement au moment de son développement, la panthère en arrière plan, fondue dans la pierre. Prédateur invisible au photographe au moment de la prise. Remettant l'Homme super-prédateur au rang de proie.

Au-delà du roman d'aventure, La panthère des neiges est surtout une transcription par les mots de Tesson du témoignage que le Munier silencieux réalise en images. Une réflexion écologique de l'impact de l'Homme sur son environnement. Un Homme que Sylvain Tesson décrit comme un bien piètre conservateur de ce musée-Terre. Un Être supposé intelligent qui ne voit pas plus loin que le bout de son intérêt et qui a réussi, en quelques milliers d'années d'existence épileptique, à venir à bout de milliers d'espèces animales qui peuplent la Terre depuis des centaines de milliers d'années avant lui. La panthère des neiges n'étant qu'une espèce en voie de disparition parmi d'autres mais certainement une des plus belles représentantes, une reine dans son royaume. 
La préservation de la nature par la contemplation, c'est à cela que nous invitent Munier et Tesson. Ne rien toucher avec nos grosses pattes d'Homme. Regarder et s'émerveiller. Se contenter de ce que l'on voit. Une vision de l'écologie qui me parle, bien plus accessible et pacifiste que les discours du moment.

La panthère des neiges n'est qu'une moitié du diptyque qu'a engendré ce voyage. Car Sylvain Tesson a légendé, dans un second ouvrage, les photographies prises par Vincent Munier lors de cette quête. Elles sont regroupées dans l'album Tibet: Minéral animal (aux Editions Kobalann)  dont plusieurs photos sont visibles sur la toile et permettent de donner relief et textures aux descriptions du roman (et Bon Dieu! Quelles photos!). 

Et si vous succombez à l'appel de la panthère, je vous propose également d'écouter l'enregistrement de l'interview de Munier et Tesson sur France Inter. Sylvain Tesson parle comme il écrit, avec un incroyable sens de la mélodie des mots, de la formule poétique. A ses côtés, Vincent Munier touche par son humilité.

Ça se sent que c'est un coup de cœur ou pas???
Et une (fameuse) Baignoire d'Or! Une!

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