"Miroir de nos peines" de Pierre Lemaitre (Editions Albin Michel): mea culpa... ou pas!

J'ai dû me rendre à l'évidence: à mon grand désarroi, je ne suis pas parfaite. Pendant le confinement, devant le dénuement de ma PAL et l'angoisse que cela a provoqué, je me suis précipitée vers le petit supermarché du coin pour rafler 2-3 romans. Et j'ai donc saisi à l'arrachée le dernier exemplaire d'un roman de Pierre Lemaitre. Sans savoir qu'il était le dernier volet d'une trilogie célébrée et récompensée dont le fameux Au revoir là-haut goncourtisé.
J'ai donc attaqué l'Oeuvre par la fin. Et je sens derrière mon écran la réprobation des adorateurs de Mr Lemaitre. Mea culpa... mais pas tant que ça! Car finalement cette "erreur" n'a en rien gênée ma lecture du roman. Et quel roman!

Pitch (4ème de couv):
"Avril 1940. Louise, trente ans, court, nue, sur le boulevard du Montparnasse. Pour comprendre la scène tragique qu'elle vient de vivre, elle devra plonger dans la folie d'une période sans équivalent dans l'histoire, où la France toute entière, saisie par la panique, sombre dans le chaos, faisant émerger les héros et les salauds, les menteurs et les lâches... Et quelques hommes de bonne volonté."


Miroir de nos peines promet des heures d'heureuses distractions.
D'abord, c'est un puzzle de plus de 500 pièces, oups, 500 pages, où l'on commence par découvrir des îlots de décors et de personnages éclatés au quatre coins de l'histoire. Mais comme Pierre Lemaitre sait le faire avec brio, au fur et à mesure de la lecture, les pièces s'ajoutent et s’emboîtent pour finir par relier toutes ces trajectoires en une seule et même toile.
C'est une valse ensuite, rythmée par la musique des mots de Pierre Lemaitre et par l'alternance des chapitres et donc des morceaux de vie des personnages. Louise d'abord, dont on fait la connaissance dans un premier chapitre à l'issue tragique. Une femme volontaire et forte, prête à soulever des montagnes pour faire face aux secrets du passé et aux épreuves du présent. Son histoire s'intercale avec celle du duo Raoul et Gabriel,  mal partis pour s'entendre et que la guerre va pourtant souder. Dans cette valse à deux temps, s'invite ensuite Désiré, usurpateur qui brille par son éloquence et sa capacité à convaincre et entraîner. Les chapitres qui lui sont consacrés donnent lieu à des scènes burlesques savoureuses.  Et enfin Ferdinand et sa fragile Alice complètent ce tableau. Prêt à tout pour accomplir le rêve de son épouse, Fernand est prêt à voler (sauver?) un peu d'argent que l'état fait brûler pour ne pas qu'il soit saisi par les nazis.

Le dénominateur commun dans tout ça? C'est la guerre. Et notamment la période de la Drôle de guerre où personne ne croit vraiment à l'invasion allemande. Où les soldats plantent des patates pour tromper l'ennui. Où l'Etat ment aux français par une communication qui censure tout ce qui pourrait miner l'enthousiasme et la confiance du peuple en l'armée et en leur supériorité sur l'ennemi. Jusqu'à l'avancée brutale des troupes allemandes mettant des milliers de réfugiés sur les routes. Une Drôle de guerre qui se finira par l'officialisation de l'Occupation allemande et l’armistice de juin 40. 

Pierre Lemaitre s'est largement documenté sur cette période pour inclure dans sa fiction des vérités historiques qui se fondent sans peine dans le décor. Et il utilise cette guerre comme révélateur pour pousser les personnages au-delà de leurs limites. En les forçant à sortir d'une certaine torpeur ou simplement peur. En leur offrant le terreau idéal pour faire s'épanouir leurs talents, exploser leur qualités mais révéler aussi leurs mensonges ou lâchetés.

Un livre brillamment construit, une lecture savourée. Et l'envie de reprendre l'histoire au début. Un achat compulsif que je ne regrette pas... et qui va vraisemblablement en entraîner d'autres! 
#sauvezvotrelibrairie

Commentaires

Articles les plus consultés