"Bivouac" de Gabrielle Filteau-Chiba (Editions Folio): le combat à tout prix?
Il est de ces romans où, après avoir tourné la dernière page, il s'impose un moment de flottement avant de reprendre pied dans le monde réel. Pour ma part, je n'ai pas réussi à reparler tout de suite et j'ai eu besoin de m'isoler un temps pour digérer l'émotion de ce roman. Un recueillement nécessaire.
Touchée. Coulée.
Baignoire d'Or.
Pitch (4ème de couv):
"En fuite, Riopelle a trouvé refuge auprès d'un groupe clandestin de militants écologistes. Bientôt, ils lanceront l'opération Bivouac, destinée à empêcher la construction d'un oléoduc dans les terres du Bas-Saint-Laurent. Mais l'homme reste hanté par l'issue dramatique de sa dernière mission.
Dans la ferme communautaire où elles se sont installées, Anouk et Raphaëlle peinent à trouver leurs marques et vivent leurs premiers désaccords. Quand Riopelle leur propose de rejoindre sa lutte acharnée pour préserver le territoire, elles ont un choix à faire.
Entre nécessité de l'engagement et compromis pacifiste, tous trois voient se mêler peurs inavouées et désirs inassouvis."
Toute l'intensité de ce roman ne peut se mesurer à sa juste hauteur que parce qu'il clôture une trilogie. Dans les deux premiers romans, Gabrielle Filteau-Chiba prépare le terrain pour ensorceler nos sens et notre cœur. Découverte des personnages et de leurs combats. Plongée en pleine nature. La plume est immersive au point d'avoir l'impression de partager leur encabanement. Les crayonnages de la faune et de la flore et les extraits de journaux intimes venant créer tout de suite de la proximité et donc de l'empathie. Mais Anouk, Riopelle, Raphaëlle ne font là que se croiser, se rater ou se deviner.
Bivouac vient enfin les réunir tous les trois autour du même combat. Les retrouver frère/sœurs d'armes, amants de corps, amoureux de cœur, c'est ce qu'attendait le lecteur. La cerise sur le gâteau. Ce n'est pourtant pas simple de trouver un équilibre à trois. Les tiraillements sont nombreux, et leur engagement écologiste vient en rajouter une couche. Est-ce que le combat pour le bien de tous doit primer sur les désirs et sur les liens individuels?
Pris dans une lutte interne autant qu'une lutte contre des engins de malheur venus défigurer leur forêt ancestrale, ils s'interrogent sur les limites de leur militantisme. A moins que ces limites ne finissent par s'imposer à eux, de façon fracassante!
Avec ce roman, l'autrice vient déconstruire les préjugés sur ces engagés/enragés qui s'attachent aux arbres, dont les actions sont souvent décrédibilisés par nos politiques et nos médias (pourtant les irresponsables se trouvent plutôt du côté de ceux qui sont en costard-cravate...) Raphaëlle Filteau-Chiba les englobe d'amour, de bienveillance, de tolérance et vient leur redonner de la légitimité.
La trilogie du Kamouraska est une œuvre incroyable, une ode à la nature et aux hommes qui la défendent. Et qui se clôture dans un climax d'émotion avec ce Bivouac, allant jusqu'à faire couler quelques larmes.
Sublime!
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