"Le poids de la neige" de Christian Guay-Poliquin (Editions J'ai Lu): je m'en irai dormir dans le paradis (enfer?) blanc

Roman singulier, j'ai retrouvé dans Le Poids de la neige cette saveur particulière des histoires atypiques qui resteront en tête, à l'instar de celles qu'écrit Sandrine Collette par exemple (et je comprends donc mieux pourquoi elle en a recommandé la lecture!). Car ce livre est presque un conte teinté de noir qui, loin de se dérouler au pays des merveilles, se confronte à l'univers hostile de l'enfer blanc. 


Pitch (4ème de couv):
"Dans une région lointaine qu'on imagine être celle des grands espaces, un village est cerné par la neige, privé d'électricité et de contact avec le reste du monde. Nous y trouvons deux hommes, à deux âges de la vie, contraints par le hasard ou le destin d'affronter ensemble le froid, la faim et l'ennui.
A leur suite, le lecteur est emporté dans ce huis clos tout de blanc vêtu, dans cette lutte pour la survie, dans cette lente traversée de l'hiver, qui est avant tout une histoire de rémission.
Car c'est quand rien ne se passe que tout peut arriver."





Pour les plus cartésiens d'entre vous, un avertissement: il est possible que vous vous sentiez un peu déboussolés. Car l'auteur ne nous apporte aucune réponse ni sur le lieu d'implantation du village enseveli, ni sur l'année ou l'époque de la narration (même si des indices font plutôt penser à une époque contemporaine à la nôtre ou en tout cas pas si lointaine). Et non plus sur le contexte d'isolement, de quasi crise qui semble régner même au-delà des limites du village. Catastrophe climatique? Economique? On peut tout imaginer...
Mais l'histoire ne s'embarrasse pas de repères et d'explications pour se concentrer sur ce qui se joue dans cette maison un peu à l'écart où se déroule un huis clos forcé entre Matthias, vieillard solide et un homme plus jeune dont le nom restera aussi un mystère. Survivant à un accident et rafistolé comme la vétérinaire du village a pu avec les moyens du bord, il se retrouve dépendant et à la merci des "bons soins" de Matthias. 
La cohabitation rendue difficile par leur isolement du reste du monde, le froid, la faim, la vulnérabilité et cette neige qui ne cesse de tomber, il n'y pas pas beaucoup de solutions pour survivre: se soutenir et tenir jusqu'au printemps.

Enfer ou paradis blanc? En tous les cas les prénoms des personnages ne semblent pas choisis totalement au hasard. On retrouve Maria et Joseph, Jude, Jacob, Jonas, Jacques et Pierre entre autres. Et à ce symbolisme religieux, Christian Gauy-Poliquin y adjoint la légende mythique, mettant en miroir le duo des prisonniers de la neige avec le duo Dédale/Icare. 
Un univers quasi mystique pour soutenir cette histoire où il est question de rémission, de résilience et de solidarité. Une allégorie de "Aide-toi et le ciel t'aidera"? (non mais si je vais trop loin dans mon interprétation, n'hésitez pas à me remettre dans le droit chemin, hein!)

Le travail d'écriture pour rendre palpable cette atmosphère oppressante, cette tension, cette sensation de fin du monde est parfaitement maîtrisé. Le poids de la neige pèse sur nos épaules comme il pèse sur celles des personnages. On en arrive au point de guetter, tout comme eux, le niveau de la neige renseigné à chaque début de chapitre, en espérant la fonte... annonciatrice de délivrance. 

Le poids de la neige est une réussite! Mais il semblerait que pour avoir des clés supplémentaires de lecture il faille lire son précédent Le fil des kilomètres... Autant dire que ma Pile à Lire risque d'accueillir un petit nouveau prochainement! A bientôt Monsieur Guay-Poliquin! J'ai été ravie de vous rencontrer :)

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