"Travail soigné" de Pierre Lemaitre (Editions Le Livre de Poche): le lecteur de polar est-il forcément un psychopathe?

"Le succès invraisemblable de la littérature policière montre, à l'évidence, à quel point le monde a besoin de mort." Cette explication est donnée par le psychopathe du roman qui copie, au mot près, les crimes de ses lectures. Alors donc, si ce n'est l'attrait du morbide, qu'est-ce qui attire tant de millions de lecteurs vers ces romans où règnent le sang et le drame? 
Au-delà du pur thriller efficace et haletant, Pierre Lemaitre questionne, parfois avec ironie, le rapport étrange qu'entretien le lecteur mais aussi l'écrivain avec ce genre qui se nourrit du côté obscur de l'Homme.

Pitch (4ème de couv):
"Dès le premier meurtre, épouvantable et déroutant, Camille Verhoeven comprend que cette affaire ne ressemblera à aucune autre.
Et il a raison. D'autres crimes vont suivre, horribles, illogiques... La presse, le juge, le préfet se déchaînent bientôt contre la "méthode Verhoeven".
Policier atypique, le commandant Verhoeven ne craint pas les affaires hors norme, mais celle-ci va le laisser totalement seul face à un assassin qui semble avoir tout prévu. Jusque dans le moindre détail. Jusqu'à la vie même de Camille qui n’échappera pas au spectacle terrible que le tueur a pris tant de soin à organiser, dans les règles de l'art..."


Première rencontre avec le commandant Verhoeven. Et quelle rencontre! (Paraît-il que deux autres vont suivre. C'est wikipédia et ma môman qui me l'ont dit). Une petite taille qui le stigmatise compensée par une certaine aura et intelligence mâtinées d'un brin d'impertinence qui le portent haut dans l'estime de ses collègues. Verhoeven est un flic suffisamment atypique et charismatique pour toucher au cœur du lecteur. Comme pourraient le faire à leurs manières un Adamsberg ou un Harry Hole. Maîtrise de l'appât-flic parfaitement maîtrisée par Pierre Lemaitre.
Reste à ferrer maintenant le lecteur. Comment? En usant du deuxième atout charme des thrillers: les crimes. Et ceux-là sont particulièrement dégueulasses. Et tordus! Car ils reproduisent des crimes d'autres romans policiers. Certains qu'on a déjà lu ou que l'on pourrait se procurer chez notre libraire, dans la "vraie" vie. Du polar dans du polar, de la réalité qui se cogne à la fiction (et encore je ne peux pas tout vous raconter...), l'auteur nous étourdit avec cette porosité des frontières.
Reste plus qu'à nous remonter, hébétés, en instillant un doute paralysant: et si nous étions tous des psychopathes en devenir comme celui de son roman, un lecteur de polar qui passe à l'acte criminel? 

Bon, partant du postulat que le lecteur de polar n'est pas un psychopathe en devenir (c'est quoi ces raclements de gorge dans le fond de la salle?), alors pourquoi cet engouement pour ce genre de littérature? Parce que nous aimons nous prendre pour des enquêteurs?  Parce que nous aimons nous faire peur tout en restant en sécurité dans notre canapé (ou baignoire?)? Par que que nous sommes fasciné par l'horreur? Ou parce que ça nous permet de transgresser un interdit (nos envies de meurtres) sans avoir à passer à l'acte?  

Voilà, voilà... Je vous laisse avec ça! Ne me remerciez pas, remerciez plutôt Pierre Lemaitre! Allez, bonne lecture et bonne introspection!  

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