"Et soudain, la liberté" d'Evelyne Pisier et Caroline Laurent (Editions Les Escales): ce ne fût qu'une brise, là où ça aurait dû être un ouragan

Qu'est-ce que ce roman? Une hybridation entre biographie et fiction. Une tranche de la vie d'Evelyne Pisier derrière un rideau de romance tissé par Caroline Laurent. Une éditrice, une amie, qui, dans ce roman cherche à ne pas trahir un destin et à ne pas trahir des secrets. Qui tente de (re)trouver un équilibre seule alors que ce projet était porté à deux avec Evelyne.
Le souci, c'est qu'à vouloir faire  d'un destin réel incroyable une histoire romancée, la situation devient inconfortable pour le lecteur: où s'arrête vraiment la biographie et où commence la fiction? Est-ce que reconstruire l'histoire avec des bribes de souvenirs et d'émotions d'enfance c'est de la fiction?  Est-ce que changer le prénom des protagonistes suffit à faire de la fiction? Est-ce que parce qu'on fait le choix de ne pas tout livrer de soi et donc d'amputer une partie de l'histoire fait que cela devient une fiction? 
J'ai envie de répondre non.


Pitch (4ème de couv): 
"Evelyne Pisier voulait raconter l'histoire de sa mère, et à travers elle, la sienne. Une histoire fascinante couvrant soixante ans de vie politique, de combats, d'amour et de drames - le portrait d'une certaine France aussi, celle des colonies et de la contestation, du patriarcat et du féminisme. Nous étions d’accord: il fallait en faire un roman.
Un roman qui, de l'Indochine en guerre à la Nouvelle-Calédonie des années cinquante, de la révolution cubaine à Mai 68, tisse les destinées de ces deux femmes éprises de liberté. Deux héroïnes modernes et indépendantes, lectrices passionnées, engagées.
Evelyne m'a invitée à plonger dans son passé et, ensemble, nous avons commencé l'écriture. C'était joyeux, magnifique.
Tout aurait pu s'arrêter à sa mort, un jeudi de février.
J'étais son éditrice. Son amie. Elle m'avait confié ses rêves et ses souvenirs. Alors, comme elle le souhaitait, j'ai terminé le livre." C.L




J'ai un ressenti étrange. J'ai aimé l'histoire de Mona et Lucie, une histoire de libération et de liberté. Cette capacité à prendre conscience et à se battre pour Agir et Penser, seules. Sans hommes pour dicter leur conduite, sans les entraves économiques qu'un mariage imposait depuis des siècles. Une lutte dont on mesure dans ce roman la difficulté, les enjeux alors qu'aujourd'hui tout nous parait évident, du port du pantalon à la légalisation de l'avortement. Un roman profondément féministe. Mais ni revendicateur ni donneur de leçons. Un bon point!

Sauf que, sur la forme j'aurais préféré un roman (ou une biographie... mais un choix clair!) qui ne soit pas entrecoupé de commentaires, doutes ou souvenirs de l'éditrice. Cela aurait fait gagner en intensité le propos, là où les coupures cassent l'émotion. 
Je ne dis pas que c'est inintéressant de partager le processus d'écriture, les échanges à deux voix sur des parties de l'histoire, les anecdotes. Peut-être que cela aurait pu faire l'objet d'une partie à part en prologue. Ou même l'objet d'un document distinct.

Du coup, je reste sur ma faim et je ne comprends pas totalement ce travestissement imposé dans les prénoms sans réel travestissement de l'histoire, si ce n'est par pudeur. 
J'ai l'impression d'une fausse modestie émanant de Caroline Laurent qui "en profite" pour raconter un peu de son histoire à travers celle d'Evelyne. Et la certitude d'une vraie modestie d'Evelyne Pisier qui n'arrive pas à assumer sa vie incroyable autrement qu'en se dissimulant derrière le personnage de Lucie. 

J'ai le sentiment d'un rendez-vous raté, alors que le roman aurait dû m'emporter dans un tourbillon de liberté et me remuer les tripes.  Une déception.

Commentaires

  1. A la fin, j'en venais presque à douter qu'Evelyne ait pu être l'amoureuse de Fidel Castro, tellement la réalité se mêlait à la fiction..

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