"Ces orages-là" de Sandrine Collette (Editions JC Lattès): l'emprise

J'ai voulu laisser durer le plaisir en ne me jetant pas sur Ces orages-là à peine l'avoir acheté. Je n'ai par contre pas pu m'empêcher de le dévorer une fois l'avoir ouvert, après quelques mois de résistance. Avalé en quelques heures interrompues par un besoin nécessaire de souffler et prendre le temps de regarder le ciel bleu afin d'éviter de me laisser complètement engloutir par l'histoire de Clémence.
Un roman qui pique fort, avec aux manettes une Sandrine Collette toujours aussi talentueuse pour faire vibrer les tripes et le cœur!  

Pitch (4ème page de couv):
"C'est une maison petite et laide. Pourtant, en y entrant, Clémence n'a vu que le jardin, sa profusion minuscule, un mouchoir de poche grand comme le monde. Au fond, un bassin de pierre, dans lequel nagent quatre poissons rouge et demi.
Quatre et demi parce que le cinquième est à moitié mangé. Boursouflé, abîmé, meurtri: mais guéri. Clémence l'a regardé un long moment.
C'est un jardin où même mutilé, on peut vivre.
Clémence s'y est installée. Elle a tout abandonné derrière elle en espérant ne pas laisser de traces. Elle voudrait dresser un mur invisible entre elle et celui qu'elle a quitté, celui auquel elle échappe. Mais il est là tout le temps. Thomas. Et ses orages.
Clémence n'est pas partie, elle s'est enfuie."


L'emprise. Vue de l'intérieur de la psyché de Clémence. Brindille de femme sur laquelle un ogre s'est refermé et en a fait une chose prisonnière, prête à se re jeter dans ses bras après les pires humiliations et violences psychologique subies, et après l'avoir isolé de tous.
On cueille Clémence alors qu'elle vient de faire le premier pas, celui de s'enfuir. Le plus difficile? Non, les milliers d'autres qui suivent sont tout aussi terribles. Car le fil n'est pas rompu. Son cerveau déconstruit et reprogrammé par Thomas lui joue des tours. Ne vaut-il pas être victime que désespérément seule? Thomas n'est peut-être pas si mauvais? Le problème doit venir d'elle. La tentation de le rejoindre… toujours! Et de regarder par dessus son épaule, encore et encore. Sans répit.

Dans un style haché et tranchant, le lecteur plonge dans la lutte intérieure que se livre Clémence pour se sortir de cette emprise. Par le seul poids des mots, Sandrine Collette nous met sur la peau le manteau de souffrance, de peur et de colère que porte Clémence. C'est suffoquant et pour ma part, il m'a fallu revenir à la surface en coupant d'avec cette lecture à plusieurs reprises, histoire de prendre un peu d'air et regarder la vie à travers mes fenêtres. 
Regarder la nature surtout. Cette nature omniprésente dans les romans de Sandrine Collette et qui peut se transformer en le pire des fardeaux ou le meilleur des médicaments, selon ce qu'on lui donne et lui fait subir, selon ce qu'on vient y chercher. Dans Ces orages-là c'est la forêt qui terrorise Clémence en début de roman puis le jardin avec son bassin de poissons rouges qui la répare petit à petit.

On ne sort pas indemne de la lecture de Ces Orages-là. Ce roman nous ramène, à ces quelques mots de Sandrine Collette, comme un épitaphe d'avertissement avant de plonger dans le noir du premier chapitre: "A toutes les Clémence"
Oui, on pense forcément à toutes celles qui n'ont pas eu la force de lutter, à toutes celles qui sont encore prisonnières. Et à toutes celles qui n'attendent plus qu'une main tendue, un mot ou un regard pour cesser d'être transparentes pour leur permettre de se sauver, de pardonner… voire de se venger?

Et oui, forcément, c'est une Baignoire d'Or!

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