"Les Silences d'Ogliano" d'Elena Piacentini (Editions Actes Sud): l'art de la tragédie

Conquise autant par le souffle tragique de cette histoire que par la plume qui l'anime, Les Silences d'Ogliano est un roman terrible et sublime à la fois, façon grande tragédie grecque.
Alors inutile de ménager le suspense: c'est une Baignoire d'Or!

Pitch (4ème de couv):
"La fête bat son plein à la Villa rose pour la célébration de fin d'études de Raffaele, héritier de la riche famille des Delezio. Tout le village est réuni pour l'occasion: le baron Delezio bien sûr; sa femme, la jeune et divine Tessa, vers laquelle tous les regards sont tournés; César, ancien carabinier devenu bijoutier, qui est comme un père pour le jeune Libero; et bien d'autres.
Pourtant les festivités sont interrompues par un drame. Au petit matin les évènements s'enchainent. Ils conduisent Libero sur les hauteurs de l'Argentu au péril de sa vie."


La chute d'un premier domino entrainant les suivants dans une fuite en avant inexorable impossible à contrer. Voilà l'image qui s'est imprimée en filigrane dans mon cerveau dès les premières lignes, et qui ne m'a plus quittée jusqu'aux dernières.

Il y a dans ce Sud (de l'Italie?) une âpreté qui tient aux arêtes des montagnes, au labyrinthe mortel du maquis et aux grottes-tombeaux taillées dans la roche. Mais qui tient aussi aux non-dits qui ont rendu arides les âmes d'Ogliano. Qu'ils soient rupins ou mécréants, ils s'étouffent dans leurs secrets, ploient sous les lois immuables de la mafia, se rigidifient derrière les masques qu'ils portent depuis des années. 

Libero n'en peut plus de cette cloche de pierre et de chair dans laquelle il se retrouve coincé. Il rêve d'amour, d'ailleurs. Mais alors qu'il les entraperçoit dans les traits de la jeune épouse du riche baron du village, l'enlèvement de son ami ne lui laisse pas le choix. 
Le premier domino, est-ce le premier pas que Libero fait en choisissant de suivre les ravisseurs dans la montagne? Ou est-ce que la partie avait débuté déjà bien avant sa naissance et qu'il n'est qu'un maillon de la chaine?
Entouré par la mort, du suicide au meurtre commandité, de la mort physique à la mort symbolique (puisqu'il s'agit de tuer le père), Libero est celui qui ne peut accepter ce fatalisme écrasant et qui va tenter de se frayer un chemin parmi les ombres et résister à la tentation de verser du côté sombre. 

Elena Piacentini écrit là un roman noir comme il n'est pas si fréquent d'en rencontrer, mêlant le beau au drame. En livrant petit à petit les pièces du puzzle qui expliquent les intrications entre les habitants d'Ogliano, elle fait progressivement monter l'émotion. Les confessions des personnages, en aparté, permettent d'éclairer l'ensemble de cette grande fresque tragique, peinte en rouge, noir et acier.

Un sublime roman noir comme je les aime.
Merci Elena Piacentini!



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