"L'Homme qui mit fin à l'Histoire" de Ken Liu (Editions Belial): témoigner des atrocités du passé, à quel prix?

100 pages. Le temps d'un bain. Et de ce documentaire fictionnel écrit qui revient sur le passé trouble et sanglant de la guerre sino-japonaise des années 30. Un voyage dans le temps qui pose une réflexion philosophique et éthique... Un roman remue-boyaux et remue-méninges!

Pitch (4ème de couv):
" Deux scientifiques mettent au point un procédé révolutionnaire permettant de retourner dans le passé. Une seule et unique fois par période visitée, pour une seule et unique personne, et sans aucune possibilité pour l'observateur d'interférer avec l'objet de son observation. Une révolution qui permet la vérité sur les périodes les plus obscures de l'histoire humaine. Plus de mensonges. Plus de secrets d'Etats.
Créée en 1932 sous mandat impérial japonais, dirigé par le général Shiro Ishii, l'unité 731 se livra à l'expérimentation humaine à grande échelle dans la province chinoise du Mandchoukouo, entre 1936 et 1945, provoquant la mort de près d'un demi-million de personnes... L'Unité 731, à peine reconnue par le gouvernement japonais en 2002, passé sous silence par les forces d'occupation américaines pendant des années, est la première cible de cette invention révolutionnaire. La vérité à tout prix. Quitte à mettre fin à l'Histoire."






Remue-boyaux: la guerre c'est moche. Bien sûr, Européens, nous avons une connaissance des atrocités de la Seconde Guerre mondiale avec le Dr Mengele comme "tête d'affiche" des tortionnaires barbare qui, par ses expériences, a nié jusqu'à l'Homme. Dans ce roman Ken Liu, auteur chinois expatrié aux USA, décrit quelques unes des tortures, expérimentations dégueulasses qu'ont subit les Chinois pendant l'occupation japonaise. Le gore version "vérité historique". La gerbe.

Remue-méninges: la "machine à voyager dans le temps" n'est ici qu'un prétexte à un questionnement philosophique auquel Ken Liu nous incite à nous frotter. Si nous pouvions remonter dans le passé et s'en faire les témoins, qu'en ferions-nous? Serions-nous prêts à faire ce voyage pour témoigner de "nos" atrocités? D'ailleurs sommes-nous coupables aujourd'hui de l'Histoire passée? Coupables à l'échelle d'un pays ou à l'échelle individuelle? Un grand-père que nous aurions chéri et qui pourtant aurait été à l'origine de milliers de morts, souhaiterions nous le voir montré du doigt avec le risque d'être nous-même assimilés à l'horreur ou préférer taire l'innommable car ce grand-père est mort lui aussi, depuis longtemps, sans révéler ses secrets? Faut il forcément voir ou vivre les faits pour en prendre conscience? Et du coup ces faits ne sont-ils pas déjà modifiés et modelés (amplifiés? déformés? ) par les sentiments, les émotions qu'y mettent les témoins?

Ken Liu, lui, a décidé de se faire le relai des barbaries causées par les Japonais sur les Chinois par l'écriture. Pour ne pas oublier, jamais. Pour laisser des traces de l'Histoire toujours. Au risque de raviver les discours négationnistes. Au risque de raviver des blessures. Au risque de demander des comptes. Au risque de raviver des guerres... La boucle est bouclée. 
Aurait-il pu écrire ce roman s'il avait été Japonais? J'aimerais lui poser la question.

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