"La Société des Jeunes Pianistes" de Ketil Bjornstad (Editions Livre de Poche): un drame mené par un auteur-chef d'orchestre prodigieux!

Je clos ce roman. Je viens de lire des concertos et des sonates, je viens de lire des sentiments torturés. Toutes ces choses qui ne s'écrivent pas mais qui se vivent. Autant dire un pari audacieux pour l'auteur. Et totalement réussi car j'ai pourtant ressenti la violence et la douleur des œuvres musicales comme celles des personnages comme si j'y étais. C'est fort, c'est très fort.

Pitch (4ème de couv):
" La Société des Jeunes Pianistes, c'est le nom que s'est donné un groupe d'adolescents passionnés, à Oslo, à la fin des années 1960. A la fois amis et rivaux, ils ont en commun l'amour de la musique; pourtant un seul remportera le concours du "Jeune Maestro". Tous vont subir une terrible pression de leur entourage, mais surtout d'eux-mêmes."

Voilà un pitch complètement désincarné, pas du tout à la hauteur ni de la tension dramatique du roman ni de ses personnages qui vouent une telle passion à la musique qu'elle en devient destructrice, isolant ces prodiges de l'insouciance de l'adolescence, leur imposant une rigueur à la lisière de la folie.

Impossible de ne pas y voir un parallèle avec  un film culte pour moi, qui porte ce même thème avec ce même regard dramatique: le fabuleux Shine de Scott Hicks qui narre l'histoire vraie d'un pianiste, David Helfgott qui plonge si complètement dans la maîtrise de cet instrument qu'il va en perdre la tête. Piano 1 Pianiste 0!




Et c'est là que l'écriture de Ketil Bjornstad est prodigieuse! La littérature ne possède pas les atours du cinéma: ni le son, ni l'image! Et pourtant la musique, élément central de cette histoire, transpire des pages, allant jusqu'à prendre une certaine densité dans notre imagination pour faire en sorte qu'on lise comme si on écoutait. Pour cela l'auteur relie chaque compositeur à une émotion, au souvenir d'un personnage ou à une scène, permettant au lecteur de traduire la musique en sensations et sentiments. Ainsi sans connaître Debussy, Beethoven ou toute la clique, le lecteur se construit pourtant une représentation musicale de chaque compositeur et de chaque oeuvre.  
J'ai été tentée un instant, de "caler" ma lecture sur les morceaux jouées dans le roman... Internet l'aurait permis. Mais je sais également, que je n'ai jamais été touchée par le classique "enregistré" et que seul le live d'une représentation m'a donné une chair de poule et des émotions inexplicables. Alors le "live" de ce roman, je l'ai construit dans ma tête. Et j'ai eu la même chair de poule. Et j'ai eu les même émotions fortes.

Construit en plusieurs actes, à la manière d'un opéra, le drame est omniprésent, variant en amplitude et en force jusqu'à cet épilogue inéluctable, attendu, mais non moins bouleversant.

La suite de l'histoire du jeune Askel se poursuit avec "l'Appel de la Rivière". Inutile de dire que je ne risque pas d'abandonner en route un si brillant auteur et une si intense histoire.

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