"Une Partie Rouge" de Maggie Nelson (Editions du Sous-Sol): témoigner pour ne pas (s') oublier

Beaucoup plus emballée par ce document que par le précédent, il est d'autant plus troublant que l'on en oublie régulièrement qu'il s'agit du récit d'une histoire vraie et non d'un roman. Une immersion du côté de la famille de la victime d'un assassinat et notamment de cette nièce, Maggie Nelson qui n'a pas connu sa tante Jane Mixer mais qui a souhaité lui redonner une place dans sa vie, d'abord avec un recueil de poèmes, Jane, et ensuite avec ce témoignage qui démarre par cet appel de la police, 35 ans après le meurtre, pour annoncer que l'ADN a parlé et qu'un possible assassin va être appréhendé. Un bouleversement pour toute une famille.

Pitch (4ème de couv):
" 2004. Maggie Nelson travaille à un recueil de poésie, Jane: A Murder, livre qui revisite l'histoire de sa tante Jane Mixer, assassinée en 1969 dans le Michigan. Trente-cinq ans plus tard, l'affaire est encore irrésolue. tout va basculer lorsque l’auteur reçoit un appel de sa mère lui annonçant que la police a trouvé un nouveau suspect, un certain Leiterman, sexagénaire et infirmier à la retraite. Un procès aura lieu. Nelson va y assister avec sa mère et son grand-père, contraints de se confronter à nouveau aux images choquantes du meurtre et à un passé enfoui dans la mémoire familiale. Nelson n'oublie pas. Celle que son grand-père ne peut s'empêcher d'appeler "Jane" par mégarde se reconnaît dans cette femme qu'elle n'a pourtant jamais rencontrée, dont la vie et le destin font écho à ses propres questionnements."




Il y a plusieurs aspects poignants dans ce témoignage. 
Premièrement, en plus de ce meurtre qui a laissé des traces inconscientes transgénérationnelles, il y a l'histoire d'une famille qui a baigné à plusieurs reprises dans la mort et le chagrin et qui doit endurer ces pertes, avec le besoin parfois de se "cogner" à la réalité, ou de la fuir par des substances en tout genre ou encore en développant un barrage extrêmement solide pour tenir face aux submersions d'émotions. Des "techniques" d'adaptation plus ou moins conscientes qui parfois ne céderont qu'au terme du procès (je pense là au père de la victime).
Ensuite, il y a cette capacité de Maggie mais aussi des autres membres de la famille dont elle porte là la parole, de prendre en compte la douleur de la famille de l'assassin qu'elle évalue aussi forte que la leur. Est-ce dû au fait qu'ils aient eu 35 ans pour faire leur deuil, qu'ils n'attendaient plus de coupable après autant de temps,  ou qu'ils aient une nature profondément empathique (en plus d'être opposés à la peine de mort)? Probablement une combinaison de tout cela, une "force" qui les a amené à traverser cette épreuve dans une grande dignité.
Et il y a enfin, ce procès, qui réunis des êtres qui se sont éloignés, chacun dans leur douleur et leur façon d'y faire face et qui n'auront finalement jamais autant évoqué entre eux Jane que pendant ces quelques jours si denses mais aussi si durs. Un père, une sœur et des nièces qui devront se confronter à nouveau à l'insupportable.

Alors il n'y a pas que du factuel dans ce récit. Maggie Nelson dit avoir constitué ce document en comblant les contours parfois flous de ses souvenirs avec ses émotions, son ressenti. Ce qui en fait un documentaire romancé, avec presque cette sensation de lire une fiction. 
Mais Jane Mixer a bel et bien existé, a bel et bien été assassinée et il suffit de googleliser son nom pour y trouver quelques traces, dont une partie de cette interview dont parle Maggie à la fin du roman.
A voir ici (pour les anglophones):  https://www.cbsnews.com/news/deadly-ride/

R.I.P Jane Mixer 


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