"Santa Muerte" de Gabino Iglesias (Editions Sonative): uppercutée par cet ovni

La magie noire de Santa Muerte est puissante. Car sur le papier ce roman n'aurait pas dû m'enchanter: beaucoup de flingues, de drogue, d'histoires de gangs, de balèzes tatoués. Pourtant, une fois amorcée la lecture, impossible pour moi de m'arrêter, à l'instar de la violence contenue dans ce roman. Gabino Iglesias ne serait-il pas aussi un peu sorcier?

Pitch (4ème de couv):
"Austin, Texas. Tu t'appelles Fernando, et tu es mexicain. Immigré clandestin. Profession? Dealer. Un beau jour... Non oublie "beau". Un jour, donc, tu es enlevé par les membres d'un gang méchamment tatoués qui ont aussi capturé ton pote Nestor. Pas ton meilleur souvenir, ça: tu dois les regarder le torturer et lui trancher la tête. Le message est clair: ici, c'est chez eux.
Fernando croit en Dieu, et en plein d'autres trucs. Fernando jure en espagnol, et hésite à affronter seul ses ennemis. Mais avec l'aide d'une prêtresse de la Santeria, d'un Portoricain cinglé et d'un tueur à gages russe, là, oui, il est prêt à déchaîner l'enfer!"


Putain de bouquin! Putain de rythme imposé par l'auteur! Putain de violence et putain de magie noire! Un roman aussi original que le parcours de son auteur tout à la fois journaliste, professeur et culturiste (entre autres). 
Une histoire qui détonne et qui dépote, et pour laquelle on imagine assez aisément son adaptation cinématographique tarantinesque toute en couleurs, à l'exacte opposée de sa couverture. Car contrairement aux apparences, il y a beaucoup de lumière dans ce roman noir. 
La lumière des saintes idoles éclairées aux bougies et priées pour ne perdre ni son identité ni sa vie malgré la fracture indélébile qu'a causé le passage d'une frontière idéalisée. Alors que c'est l'Eldorado américain qui est rêvé, finalement c'est encore le sang et le crime qui attendent les immigrés de l'autre côté, le poids du racisme et/ou de l'indifférence en plus. 
Mais aussi la lumière qui anime la personnalité de Fernando, un anti-héros qui dévoile une vraie sensibilité à condition de regarder l'Homme derrière le cliché de l'immigré clandestin dealer.

L'originalité de ce roman réside dans le talent et le ton décalé de Gabino Iglesias pour dépeindre ce qui ne semble qu'une sombre histoire de règlements de compte entre gangs.  Il distille au milieu du chaos et de la violence là une touche d'humour, là un glacis de nostalgie, là un dégradé tendresse et de fraternité. Et puis quelques clair-obscurs d'espoir aussi, personnifiés par les brèves apparitions de Yoli, oasis de quiétude au milieu de l'engrenage qui broie Nando. 

Un roman doux-dingue au rythme effréné, qui apporte un vent de fraîcheur dans la grande famille du Noir. Une petite pépite pour les lecteurs adeptes du genre! 

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