"Arbre de l'oubli" de Nancy Huston (Editions Actes Sud): lestée par le poids de cette lecture

Deuxième roman en lice pour le Prix du Livre France Bleu/Page des Libraires, Arbre de l'oubli m'a laissé perplexe et perdue au milieu de l'entrelacs de cette histoire familiale. Trop de combats à mener tue le message à porter?

Pitch (4ème de couv):
"Un matin, alors que vous sirotez côte à côte votre jus de pomme pendant la récré, Felisa te lance: C'est vrai que Joël Rabenstein l'anthropologue c'est ton papa?
C'est vrai.
Et ta maman c'est une sœur de couleur?
Nan... ça t'étonne, hein?
Un silence long et doux s'installe entre vous, au cours duquel le vent d'automne fait danser vos écharpes et arrache quelques feuilles aux arbres dans la cour.
Ou plutôt si, dis-tu enfin (et c'est la toute première fois que tu en parles en dehors de la famille). En fait ma vraie mère est une sœur de couleur mais je ne l'ai jamais rencontrée. Elle habite Baltimore.
Ah.
Felisa ne dit pas un mot de plus, mais ses yeux brûlants te donnent une dose d'empathie comme jamais tu n'en a reçue."


Il y a beaucoup de colère dans ce roman. Et comme si elle avait été contenue trop longtemps, Nancy Huston la déverse presque sans contrôle. Et alors tout y passe, dans le désordre: l'Holocauste, la guerre , l'esclavage, les violences faites aux femmes, la religion, le racisme...
Au centre de cette colère, Shayna, enfant marron qui a grandit dans une famille beige. Qui doit faire face au regard des autres et qui, en recherchant ses origines va remonter jusqu'aux origines du peuple afro-américain, depuis l'exploitation des champs de coton. 
Son père, Joël, a du lui se défaire de la pression de parents juifs meurtris par la perte de la presque totalité de leur famille dans les camps de concentration et qui attendent une descendance  pour panser leurs plaies et reconstruire le peuple juif. 
Sa mère adoptive, Lili-Rose, issue d'une famille aisée, tente de sortir de la case femme-objet soumise aux hommes et dénonce les violences tout en étant incapable de reconnaître ce qu'elle a subi enfant.
Tous les trois sont lestés par le poids de leur propre histoire familiale, elle-même lestée par le poids de la Grande Histoire. Bref, l'ambiance n'est pas sereine-sereine, c'est peu de le dire.

Des décennies de combats se superposent, le temps de la narration étant bouleversé par les aller-retours de l'auteur dans l'histoire de ces trois protagonistes. Nancy Huston passe du "tu" au "elle/il" pour  dérouler son histoire, en fonction du personnage dont il est question. La forme se met au diapason du fond pour renforcer cette impression de trop-plein qui déborde. Avec pour ma part, juste envie d'éteindre le feu et de mettre le couvercle sur la marmite de cet Arbre de l'oubli pour passer au roman suivant.

Vous l'aurez compris, je n'ai pas été conquise. Mais peut-être que mes co-jurés sauront me convaincre lors de la délibération? (va leur falloir quand même des trésors d'arguments...)
(Toujours) A suivre!

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